Leo Bioret / Faire l'indicible, CHARLOTTE BARRY / NOÉMIE CHAUVET / SULLIVAN GOBA-BLÉ
FAIRE L'INDICIBLE
Exposition du 4 au 27 février 2016, NANTES

Décrire un état, lui prêter une forme, un tracé, parcourir des espaces de saturations et de vides, pour lui offrir une légitimité ; c’est dans cette démarche que s’inscrivent Charlotte Barry, Noémie Chauvet et Sullivan Goba - Blé. Leurs oeuvres, territoires d’actions et tentatives réversibles, fondent l’indicible et le façonne, sans lui apporter de justification déterminée, mais en lui laissant le bénéfice du doute. L’indicible dépasse l’expression, la définition et la cause à effets. Il a son caractère et ses notions. Il s’immisce dans la création, à la recherche de zones non identifiables. Il amène au sublime, à l’intense, à l’étrange ou bien la supposition, mais qu’en est- il de sa représentation ? Comment les artistes peuvent-ils lui proposer un contour? « L’adéquation parfaite entre le mot et la chose est illusoire […] »2 Ce projet est une action vaine car par définition, l’indicible est innommable, indéfinissable, et indescriptible. Le champ de l’interprétation apparaît alors et l’exposition devient illusion. Il s’agit de faire l’expérience de l’indicibilité, dans un mouvement artistique collectif fondé sur un conditionnel constant. Charlotte Barry, Noémie Chauvet et Sullivan Goba - Blé, cherchent à apprivoiser cet état par le biais de différentes approches esthétique et technique. Dessins et sculptures se côtoient en créant des transitions démultipliées, entre mouvance et fluidité, architecture figée et géométrie stricte. Les rapports d’échelles et de lectures se propagent, se distordent et dissolvent les frontières d’une organisation structurelle fixe. Les tensions palpables, les accumulations imposantes, les surfaces épurées, toutes se répondent et se happent. Les oppositions se lisent dans une sorte d’évolution au sein d’un espace de déstabilisation. Loin de la simple association formelle d’effets plastiques, Faire l’indicible, explore les possibles ouvertures du réalisable en s’introduisant dans des interstices artistiques inédits. Chaque oeuvre associée à cette exposition possède, sa temporalité, ses lois des espaces, ses bases et ses attitudes. Elles se dévoilent dans un processus élaboré par rebonds. Chercheurs, traducteurs et récoleurs de formes, les artistes parcourent et expérimentent inlassablement les méandres de l’indicible. À la recherche soudain, de la disparition de l’interprétation.
Figures de l’indicibilité
C’est une expérience sonore, que j'ai proposée dans l’espace d’exposition sur deux pôles d’écoute. Les bruits de la matière transformée par le geste artistique se mêlent aux paroles des artistes et proposent une deuxième approche de leurs oeuvres. Cette oralité révèle une forme importante d’interprétation. Les sons restent bruts sans aucune vocation illustrative. Les temps d’enregistrements se sont déroulés les mois précédents, tout au long du projet et des encontres, pendant les discussions et les moments de création et de production. « Les chemins de la représentation de l’indicible empruntés par les individus sont multiples, mais ils dépendent toujours de leur relation au langage - et à l’autre – et de la relation qu’entretient le langage avec l’être. »2
Les oeuvres sont autonomes et deviennent, par logique combinatoire, les indices de la parole des artistes.
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2.Astrid Von Busekist, "L'indicible", in Raisons politiques, La République des langues, n°2, 2001
Léo Bioret
crédits: photographies Adeline Moreau
Noémie Chauvet, "A.S.D", 2015
Charlotte Barry, "Les hybrides", 2014-2015
Sullivan Goba-Blé, "Préoccupation", 2015
Noémie Chauvet et Charlotte Barry, "B.C.02.15#00, B.A.02.15#00 et Wall drawing", 2015, 2016
Charlotte Barry, "Les Fragments", 2015-2016
Noémie Chauvet, "C.01.16#02", 2016